Une analyse rédigée par Kapois Lamort:

Ça fait déjà 20 ans qu’une des figures monumentales du Hip-Hop, Tupac Amaru Shakur nous a quittés. Je me souviens encore du vendredi 13 septembre 1996, comme si c’était hier! En cette date, j’étais chez moi entrain d’écouter attentivement l’émission The Street Sounds sur les ondes du 103.7 F.M Montréal, animée par le légendaire Duke Eatmon. J’ai été estomaqué lorsque la nouvelle du décès de 2pac fut officialisée en soirée. Le weekend qui venait de s’entamer fut teinté, par cette annonce tragique. À l’époque, j’étais un adolescent évangéliste de 15 ans qui fréquentait régulièrement une des plus grandes Églises protestantes et haïtiennes de Montréal : L’Église Baptiste Béthesda. À l’école du dimanche moi et plusieurs jeunes de mon entourage discutions de l’impact psychologique et sociologique que 2pac avait eu sur nous. De retour à l’école lundi matin, la discussion se poursuivit. Je me souviens que mes congénères du Collège Letendre à Montréal n’étaient pas tous des fervents admirateurs de 2pac. Je me rappelle encore des propos de Richard Dorré alias Iron Fist : « I’m a lyrical dude , 2pac était trop thug pour moi… », telles étaient les paroles de celui qui m’a introduit au rap lyrique aux alentours de 1993-1994. Tout de même, pour moi la mort tragique de 2pac, l’icône internationale du hip-hop activiste, m’accabla fortement. J’étais un jeune issu d’un quartier criminalisé et en partie défavorisé de Montréal, le  District 67 (St-Michel, Montréal) et en 2pac je voyais l’ultime image d’un précepteur culturel et socio-éducatif.

Je dois vous confier que le décès de 2pac, tout comme celui de ma mère m’a impacté psychologiquement et spirituellement, tout au long de ma vingtaine. Par conséquent, je suis devenu un bibliophile et un collectionneur s’intéressant à la littérature et à plusieurs recherches s’attardant au paradigme de Tupac Amaru Shakur (2pac). En ma possession, j’ai plus d’une quinzaine d’ouvrages spécialisés sur 2pac. Les plus importants sont: Tupac Shakur Legacy par Jamal Joseph, Thru my Eyes( thoughts on Tupac Amaru Shakur in pictures and words) par Gobi, Rebel for the Hell of it par Armond White , Tupac Remembered édité par Molly Monjauze, Gloria Cox et Staci Robinson ainsi que The F.B.I war on Tupac Shakur and Black Leaders par John Potash. J’ai effectué plusieurs recherches collégiales et universitaires qui portaient sur l’influence culturelle et musicale de Tupac Amaru Shakur. Finalement, j’ai constaté que 2pac était juste « trop real » pour une forte partie de l’establishment académique ! Je me rappelle encore du corps professoral d’une école secondaire qui avait osé boycotter une conférence socioéducative que je devais faire sur l’impact du N.A.P.O et 2pac en 2009.

Peut-être avait-il peur de l’idéologie du N.A.P.O (New Afrikan People Organization). Un organisme instauré par Tupac Amaru Shakur à la fin des 1980, en vue de défendre les droits les jeunes noirs racisés et marginalisés aux États-Unis. Cet organisme fut financé et appuyé, en partie par le Black Panther Party. Tupac Shakur reçu l’appui de l’activiste Watani Tyehimba et de l’avocat Chokwe Lumumba, pour la concrétisation et le fonctionnement administratif du N.A.P.O. Entre 1998 et 1989, 2pac fut non seulement le directeur du N.A.P.O, il était aussi un des principaux distributeurs en Californie du journal Panther Power. Essentiellement, ce journal servait à fournir des renseignements sur les activités culturelles et éducatives du New Afrikan People Organization.   L’essence activiste et militante du N.A.P.O est celle qui est apparue en toute immanence dans la carrière artistique de 2pac.

C’est elle qui lui a permis de concevoir son premier collectif The Underground Railroad qui évolua dans les collectifs T.H.U.G.L.I.F.E. et Outlawz, vers la moitié des années 1990. Plusieurs références au paradigme du N.A.P.O sont aussi apparues dans les premiers projets artistiques de 2pac comme : The Lost Tapes avec Strickly Dope (1989), 2pacalypse Now (1991) et Strickly 4 my N.I.G.G.A.Z (1993).Il en fut de même pour certains projets inédits comme : l’album Supreme Euthanasia réalisé en 1994 avec des collaborations d’artistes et d’individus tels Dr. Khalid Abdoul Muhammad, Sistah Souljah et Chuck D ainsi  que celui du café-bistro afrocentrique PowaMekka. De mon côté, les diverses études que j’ai effectuées sur le New Afrikan People Organization m’ont aidé à développer le paradigme corporatif, panafricaniste et éducationnel que je possède aujourd’hui au sein de la culture Hip-Hop. Ce paradigme m’a permis de mettre en application pratique certaines des connaissances émises non seulement par 2pac mais plusieurs emcee’s issus de la même génération comme : Ice Cube, Wize Intelligent, Paris, Brother J et KRS-One.  Dans une période où le racisme systémique est excessivement puissant en Amérique du Nord, plusieurs rappeurs actuels se retournés dans certains principes enseignés par le N.A.P.O. Ce qui se voit par moment dans les lyriques d’artistes commerciaux comme Kendrick Lamar, Kanye West ou J.Cole. Somme toute, je remercie 2pac pour l’essence spirituelle activiste qui a été contenue en lui pendant ses 25 ans d’incarnation terrestre. Cette essence qui transcende le tatouage Thug Life qui fut présent sur son abdomen. Cette essence qui transcende le conflit qu’il avait eu avec Notorious B.I.G. Cette essence que plusieurs verront dans le film biographique de Tupac Shakur, All Eyez on me, qui sortira au cinéma en date du 16 JUIN 2017. Somme toute, cette essence qui a aidé  plusieurs jeunes des quartiers défavorisés à devenir des entrepreneurs, des activistes, des épistémologues et des citoyens armés de connaissances pratiques et professionnelles utiles dans cette lutte contre les inégalités raciales, systémiques et institutionnelles de notre monde.

Sur ce, je tiens à souligner un grand respect incommensurable aux familles Shakur, Garland, Faye, Steinberg et Tyehimba pour le rôle primordial que celles-ci ont joué dans l’instauration de cette essence spirituelle, en la personne de Tupac Amaru Shakur né Leshane Parker Crooks. En 2016,  la conscience de 2pac est toujours aussi forte que jamais !!!

 

« My only fear of death is reincarnation/ heart of a soldier with a brain to teach your whole nation»

Source: No More Pain, 2pac, All Eyez on Me (1996)

N.B: Quelques liens pertinents sur les individus et instances authentiques qui maintiennent le paradigme de 2pac en 2016 :

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